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INTERVIEW AWEN NATURE – ABSINTHE

Il y a 8 ans, suite à un accident de travail, Julien Fanny, ancien forgeron spécialisé dans l’art, fonde la distillerie Awen Nature. Fasciné depuis toujours par les fabrications à base de plantes, il se reconverti dans ce métier-passion qui lui permet de travailler les senteurs et les goûts. Rencontre avec un passionné d’absinthe.

Bonjour Julien, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?

La fabrication de produits à base de plantes m’a toujours parlé car c’est ce que faisait ma tante quand j’étais enfant. J’ai commencé avec des produits à base d’alcool, puis avec des cosmétiques. Pendant mon accident de travail, je suis tombé sur un ouvrage de la dernière herboriste de France ! Je me suis alors passionné pour ces recettes, que j’ai fini par m’approprier et perfectionner.

Dans cet ouvrage, il y avait des recettes à base d’absinthe qui m’ont interpellées. Je me suis créé un petit alambique et j’ai fait des tests et expériences. J’ai décidé de créer mon entreprise sachant que je ne pourrai pas revenir dans la Ferronnerie d’art.

Tu es producteur d’absinthe, peux-tu nous en dire plus sur ce savoir-faire ?

J’ai commencé par une tisane alcoolisée au goût de verveine, puis j’ai continué avec de l’alcool de vanille. C’est seulement après que j’ai voulu faire quelque chose de plus complexe, avec beaucoup de plantes dedans, comme l’absinthe. Je me suis alors rendu compte que c’était une boisson empreinte de mystère. J’ai dû adapter des vieux bouquins et des vieilles recettes pour créer ma première absinthe rouge. Anis, fenouil, menthe mélisse citronnelle, badiane, hysope, racine d’Angélique… L’absinthe est toujours un mélange de plantes. Après chacun sa recette et idem pour colorer ! J’ai par la suite créé une absinthe safranée de couleur jaune, puis une verte (la douce angélique), finn blanche, finn délice et la botaniste.

Justement quelle est l’histoire de cette boisson ?

C’est un vieil alcool médicinal que la mère Horiot vendait pour ses propriétés pharmaceutiques. Mal de règle, décente de fièvre, vermifuge… Ce n’est pas pour rien qu’en anglais la plante s’appelle « wormswood » !

Au départ, c’est donc une boisson pour soigner les maux où l’alcool sert de solvant, véhiculant les molécules médicinales et le goût. C’est à partir du 18e siècle que ces liqueurs ont été corrigées pour le goût.

Une période sans eau potable a poussé les gens à se rabattre sur l’alcool. On s’est alors rendu compte que donner de l’alcool aux enfants diminuait les pertes infantiles ce qui a conforté le succès des boissons alcoolisées, tout en augmentant malheureusement le taux d’alcoolisme chez l’adolescent. Puis avec les pénuries du vin, les gens se sont rabattus sur la boisson spiritueuse « l’absinthe », un onctueux mélange d’alcool et d’eau.

Après quelques recherches, j’ai vite compris que l’absinthe ne méritait pas sa réputation d’alcool qui rend fou, ni son interdiction en 1915. C’était contextuel, lié à l’alcoolisme qui sévissait à une époque où la consommation moyenne d’alcool par français était de 12 verres par jour sachant que l’absinthe représentait à elle seul 90% des alcools vendus tous confondu. Et c’est le manque d’alcool, quand on est alcoolique, qui provoque des bouffés de delirium tremens et donc des hallucinations visuelles et auditives.

Depuis, la boisson a été réautorisée sans qu’aucune molécule n’ait été enlevée ou modifiée. En effet, la thuyone le principe actif qui a valu sa mauvaise réputation à l’absinthe n’est pas nocive vu le taux présent dans la boisson. On s’est simplement rendu compte que l’alcoolisme étaient bien à elle seule responsable du mal.

Comment déguster un verre d’absinthe ?

Lorsqu’on distille, on enlève l’amertume mais on garde les propriétés et cette molécule aromatique. Pour la déguster, on verse une petite dose d’alcool d’absinthe dans un verre (2cl), une cuillère de sucre à notre convenance et puis on laisse couler de l’eau sur le sucre. Il faut savoir qu’en réalité l’absinthe est l’ancêtre du pastis, c’est une boisson qui a toujours été bue avec de l’eau.

Quand on ajoute de l’eau, la teneur en alcool réduit et les arômes commencent à apparaître. Contrairement aux idées reçues, il y a la même quantité en alcool dans un verre d’absinthe que dans un verre de vin (10 grammes d’alcool pur). Il faut compter une dose d’absinthe pour trois à cinq doses d’eau selon notre convenance.

Attention, cette boisson n’a pas grand-chose à voir avec les absinthes bas de gamme, celles qu’on fait flamber et destinées à être bues en shooter. Ces dernières sont en réalité de l’alcool avec peu de plantes, des colorants et du sucre intégré.

Le fait d’être vendu au château Malromé a-t-il une signification particulière ?

En effet, l’absinthe était l’une des boissons préférées du peintre Henri de Toulouse-Lautrec ! Je me réjouis vraiment de ce lien historique et de pouvoir contribuer à ma modeste échelle à une forme de sauvegarde du patrimoine français.

Il est vrai que cette boisson est souvent assimilée à une boisson d’artistes. Ces derniers ont souvent témoigné de leur consommation ce qui a contribué à véhiculer cette idée. Et s’il n’a jamais été prouvé que l’absinthe développait réellement la créativité, l’ivresse elle est très certainement de meilleure qualité.

Enfin, pour ceux qui souhaitent en découvrir un peu plus sur cette merveilleuse boisson, n’hésitez pas à regarder ces vidéos très complètes sur le sujet !

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